[intimement confinés #3] "Ma chère Anna...". Odile Martin

Savoir lui dire, le podcast - Een podcast door Emilie Soulez

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15 avril 2020. En plein confinement face au COVID19, un texte écrit et lu par Odile Martin. « Ma chère Anna, Il est tard ce soir et je ne trouve pas le sommeil. Me reviennent en mémoire ces dernières semaines, ces derniers mois. Par où commencer ? Je ne sais pas. Peut- être commencer par te dire que lorsque je t’imagine, je te vois assise sur ton lit, face à la fenêtre, les yeux dans le vide. Je t’imagine avec cette petite robe rose que j’aime tant et qui te ressemble. Je te vois, telle que je t’ai quittée, il y a de cela plusieurs jours. Deux jours pour être exact. Je t’imagine avec ce voile de tristesse que je t’ai vu avoir tant de fois quand tu me regardais. Tout aurait pu être si différent. Je n’ai pas voulu tout ça. Je t’imagine lever les yeux au ciel en lisant ces quelques mots. Ce petit air un peu hautain que tu avais parfois lorsque tu trouvais que je disais des inepties. Qu’est- ce que j’ai aimé voir ce regard et comme il me manque ! Je repasse en mémoire notre rencontre, nos regards qui se croisent et nos corps presque aimantés l’un vers l’autre. Ce jour- là, j’ai compris. Compris que ce genre de rencontre existait. Moi qui étais si rationnel, je me suis senti transporté dans les airs, le cœur dans les nuages. Tu me raconterais plus tard, que pour toi aussi, ça avait été comme une tempête intérieure, un ouragan, un tsunami. Mais tu ne faisais pas confiance facilement, tu n’étais pas prête à t’engager ou pas prête à croire en l’amour. Alors on a joué au jeu de la séduction et puis…on s’est laissé prendre au piège. C’était tantôt moi dans tes filets, tantôt toi dans les miens. Le jeu de l’amour et du hasard ? Non, le hasard, tu n’y croyais pas. Tu m’as toujours parlé de destin, de notre rencontre qui était prédestinée. Bref, je m’égare. Je ne t’écris pas pour te raconter notre histoire, tu la connais déjà si bien. Si je t’écris ce soir, c’est juste pour te dire que peu importe le temps qui passe, peu importe les années, mon cœur est à toi. J’aurais voulu que tout soit différent, que tu comprennes. Mais je sais que je t’en demande certainement trop. Alors ce soir, comme hier et comme les 365 prochains jours, et les 365 suivants, je te reverrai dans cette petite robe rose, les yeux dans le vide. Et peut- être que dans mes rêves, au lieu de ce regard triste, tu lèveras les yeux vers moi et que tu me souriras. De ce sourire qui a fait chavirer mon cœur. Ne m’en veux pas. Je t’aime. Franck. » Anna reposa le papier sur le couvre- lit. Elle était assise face à la fenêtre. Aussi précisément que Franck l’avait décrite. Elle ferma les yeux un instant. Franck. Elle regarda une dernière fois la fenêtre ouverte face à elle. Elle sentait le vent qui faisait bouger ses cheveux. Elle prit une grande inspiration et se leva. Franck. Elle se demanda si elle le retrouverait un jour. Elle n’avait pas peur. Elle monta sur le rebord de la fenêtre. Le monde lui parut immense. Franck. Elle ferma les yeux. Dieu réunit ceux qui s’aiment. Qui avait chanté cette chanson déjà ? Anna sourit et sauta.

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