[Intimement confinés #7] "Ceux qui restent". Bérengère Jullian
Savoir lui dire, le podcast - Een podcast door Emilie Soulez

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21 avril 2020. Texte écrit et lu par Bérengère Jullian. "La lune est vagabonde. Oh, voici un drôle de compagnon, son nom ? le vide. Salut toi, le vide. 4 petites lettres alors que tu prends tant de place. Je flanche, tu te déhanches, tu sembles heureux de ma larme, fatale à souhait contre les regrets que tu as amenés. Je suis agacée par ce regard aride que tu me lances. Certes, on peut voir l’horizon, mais regarde cette brume tout autour que tu as laissé en te créant. Me voilà maintenant dos à dos, face à face, nez à nez avec ton aspect si vaporeux et pourtant si présent. Tu prends de la place, tu m’étouffes. Tu me bouffes, tu m’esbrouffes. Quel drôle de mot que je te donne ici, oui tu fais tant de bruits dans ton silence. Me voilà finement en déconfiture auprès de toi, tu te veux si appétissant, mais je n’ai plus d’appétit, mes papilles papillonnent ailleurs, dans les pensées, surtout les souvenirs, les souvenirs de celle qui se trouve en haut. La saveur de la vie a changé depuis, goûter au jour qui passe demande un effort, et autant dire que je suis très mauvais critique culinaire. J’ai faim. Faim de ses histoires et de son parfum. Me voilà en bien mauvaise compagnie, tu ne parles pas, du moins tes maux sont pesants et si lourds que je les mets en sourdine, je ne peux même pas appeler ce dehors qui me manque tant pour essayer de passer à autre chose. Alors je réfléchis, sans fléchir car ça serait avouer que tu as gagné. Prendre ce temps irréfléchi pour faire pencher l’esprit vers d’autres horizons. Oui, j’ai le temps, en effet, par ta transparence, tu me le rappelles. Je ferme les yeux et n’y vois que du noir, il est apaisant. Si je me concentre sur ce baume, je peux même y voir quelques formes qui s’amusent à me faire voir les choses autrement, qui s’amusent à me faire passer le temps, je les ouvre à nouveau, bien heureuse, sérieuse. Tu es toujours là. Non, je ne détiens pas de pouvoir magique pour te faire disparaître et la refaire apparaître elle. Il y a ceux qui restent, pas que moi. Tous les autres, celui qu’elle a aimé aussi…Il reste lui aussi. Il est aussi entouré par toi, Monsieur Vide. Monsieur Vide. Et si plein à la fois. Attends un peu, tu parais moins impressionnant soudain, toujours aussi mystérieux, aux aguets pieux d’un signe de ma part. Plus je me souviens, plus je ressens, plus je pleure, plus je sèche, plus je m’assèche, plus je me lève, plus tu parais moins impressionnant. Plus j’écris, plus j’oublie ce qui fait mal, moins contre toi je râle. Tu murmures quelques notes « saute, saute… ». En toi ? tu me rattraperais, vraiment ? « Saute, Saute… ». C’est ça, être si plein ? De vide, te voilà devenu inconnu, pardon, L’inconnu, quel sage connu tu es et pourtant si méconnu. Sauter dans tes bras, c’est avoir grande confiance. Je ne veux pas l’oublier, je veux juste avancer. Tu me promets ? Saute, saute, un pas n’est pas facile, j’ai mis plusieurs années avant de marcher, alors me relever, je ne t’en parle même pas. Tenir sur ces deux pattes, car je ne suis plus un enfant….quoi que….c’est leur innocence et leur force que je veux. Tu m’effleures encore, tu te rapproches davantage, tu me séduis, on ne m’a jamais fait la cour comme toi, sans dire un mot mais si insistant, si grand. Il y a ceux qui restent. Il y a moi. Il y a toi qui me charme, et me rend mes reflets parme. Vide inconnu, tu as su me parler. Voilà ce que tu m’as appris, sauter en toi, cher inconnu, malgré les peines que l’on peut porter, malgré les poids que l’on peut ressentir…Car toute fin est un nouveau début, toute fin d’une chose est un début d’autre chose. Pardon, tu n’aimes pas ce mot chose, si vague, il fait que l’on divague, en divergeant de l’essentiel, le cœur…il a ses faiblesses. Boum. Ses forces. Boum. Mais il bat. Boum. Il bat pour ceux qui sont en haut. Boum. Et pour ceux qui restent. Boom, il se bat encore plus. La lune était bien vagabonde ce soir." Bérengère Jullian